LA SOUPE AU CAILLOU

Alors que le bûcheron et sa femme, inquiets pour leur prospérité, tentent de nous conduire à notre fin par la faim, semons des petits cailloux pour retrouver notre chemin.

« On ne s'afflige point d'avoir beaucoup d'enfants,

Quand ils sont tous beaux, bien faits et bien grands,

Et d'un extérieur qui brille ;

Mais si l'un d'eux est faible ou ne dit mot,

On le méprise, on le raille, on le pille ;

Quelquefois cependant c'est ce petit marmot

Qui fera le bonheur de toute la famille. »

Charles Perrault

Efforçons-nous d’être celui-là. Non pour tuer le père, mais pour sauver nos sœurs et frères (et nous-même au passage, tant qu’à faire). Soyons le petit laid rabougri, la mauvaise graine, celle qui résiste et survit, qui fait renaître, ressème. Que ce sol que l’on croyait mort soit de nouveau fertile, et plus fort.

Ne nous laissons pas dévorer, ni par les ogres ni par la haine. Soyons plus malins, plus rusés. Nous connaissons la peine. Nous savons la surmonter. Ne sommes-nous pas des teignes? Ils nous ont rendus ainsi; nous pouvons leur dire merci.

Je préfère être une vermine qu’un éradicateur.

Le bûcheron et sa femme veulent notre disparition, mais ils ne peuvent rien sans nous. En nous menant à la perdition, qui fournira leurs banquets à ces fous?

Illustration du grand Gustave Doré

SAVOIR SE SITUER ENTRE LA RÉVOLTE ET LE JUGEMENT...

Intifada=soulèvement, en arabe

La première, la guerre des pierres, a duré 6 ans, entre 1987 et 1993, mouvement de désobéissance civile et manifestations contre la colonisation et l’oppression.

L’indispensable révolte.

Les mouvements sociaux... "Sauvages", "nuisibles", "chienlit", contre pillages et incendies.

Des bannières au lynchage. Des gardiens de la paix au maintien de l’ordre.

Nous sommes toujours si prompts à la lapidation, en nous servant d'ailleurs souvent de la religion, et pourtant...: “Que celui de vous qui est sans péché jette le premier la pierre contre elle”, a dit quelqu'un.

Se révolter, dire non, sans pour autant sombrer dans la condamnation, c’est un exercice bien difficile. Parvenir à l’équilibre, ne pas faire la bascule et devenir ce que nous méprisons. Ne pas se transformer en bourreau à son tour, en ce monstre qui ne pense plus qu’à la vengeance, au châtiment, au sang, qui se repait des cris, des larmes, de la souffrance. Elle n’est ni belle ni juste, pour personne. Elle n’a pas de bon et de mauvais côté. Un meurtre est un meurtre. La haine appelle la haine. Nous pouvons l’attiser ou l’étouffer, mais le mieux reste de l’éteindre. En soi pour commencer. Nous ne pouvons agir sur celle des autres si ce n’est en se comportant autrement, en donnant un exemple qui manque tant.

Sur les réseaux, dans la rue, jour après jour, minute après minute, ce ne sont qu’agressions et insultes. C'est permanent. Tous dans la position, la posture, l’imposture, la revendication, le jugement, sans prendre une seconde pour s’observer soi-même, se considérer, se comporter différemment. Des paroles, des paroles, et encore des paroles, les plus écœurantes et dévalorisantes possibles, pour soumettre l'autre, croyant se valoriser. Seulement, à vouloir l'humilier on s'humilie soi-même, car ça ne donne pas l'air intelligent et ne le rend pas non plus vraiment. Aucun acte, aucun geste de bon sens ou d’alignement avec ce que l’on se dit être, se croit être, se voudrait être, à part chez les fanatiques, les fascistes, ou ces quelques activistes que l'on déteste profondément (article: un peu de vocabulaire) . Une guerre épuisante entre camps qui ne sont pas différents: les mêmes mots indignes, les mêmes attaques, les mêmes retranchements, regroupements, disfonctionnements.

J’en ai assez de ne pouvoir parler, marcher, regarder, respirer, sans ces attaques incessantes, blessantes, gratuites, pour tout, pour rien. Je ne veux plus de cette colère, de cette brûlure, la sentir en moi, me laisser atteindre par celle des autres. C’est devenu mon combat. Si cela vous dit: rejoignez-moi.

LA SOUPE AU CAILLOU

Ah... ces bons vieux plats d’autrefois qui nous manquaient, ou pas...

Recette traditionnelle originaire de chez mon papa (qui a la chance, comme ma mère, de ne pas avoir à connaître tout cela, à le revivre, eux qui ont grandi dans l’après-guerre, dans la privation et l'effroi...): la Moselle. Et bien cette soupe au caillou n’est rien d’autre qu’une soupe de légumes basique. On y ajoutait simplement un galet de rivière qui servait de mixeur. Pendant que la soupe mijote gentiment durant deux ou trois heures, la chaleur entraine le mouvement du caillou qui broie doucement les aliments.

Vous pouvez y mettre ce que vous avez: poireaux, carottes, choux, oignons, navets, pommes-de-terre... comme dans le conte hongrois du même nom. Ou, comment, en période de famine, nous pouvons nous rassembler, en apportant chacun de quoi enrichir notre soupe commune, pour en faire notre banquet à nous, notre festin. Réunis autour d’une même table, vivre des instants de bonheur et de joie si simples que nous les avons délaissés. Pas besoin de homards ni de foutriquet.

N’oubliez pas de lever la tête vers le ciel de temps en temps.

ED

Les Monty Python, pour toujours les meilleurs...

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