Trait d'union

Alors que je prônais la nécessité d’un éveil et d’une évolution individuels sur les réseaux sociaux, quelqu'un m’a reproché de faire l’apologie de l’individualisme capitaliste, du “moi je” égocentré qui se désintéresse de tout.

Tout ce qui se passe ne fait que renforcer mon opinion: ce sont les “nous” et les “vous” qui assassinent, massacrent, détruisent ce monde. Les “nous” derrière lesquels on se cache. Les “vous”, ou pire: les “eux”, qui excluent, condamnent, déshumanisent l’autre, et justifient tout.

Le “je” met face à nos choix, nos paroles, nos pensées, nos responsabilités propres. D’un seul coup ils perdent de leur grandeur, de leur justesse, de leur beauté. Le “je” est un miroir dans lequel on ne souhaite se regarder. Il nous renvoie la réalité, loin des images déformées du “nous” glorieux et du “vous” monstrueux. “Que ces pensées sont sales! Que mes mains sont rouges! Que mon âme est noire!”

Les croyances sont criminelles. Elles ne sont pas que religieuses. Elles sont partout. Le capitalisme en est une, le racisme une autre... Qu’est-ce qu’on peut se croire meilleur, plus fort, plus malin! Nous croyons connaitre les pensées de ceux qui nous entourent, alors que nous ne faisons qu'amener en surface les nôtres, profondes, dégueulasses. Nous nous en débarrassons en les changeant de propriétaire: nous pensons pour l'autre, nous parlons pour l'autre, et nous le haïssons de ces pensées et paroles qu'il n'a jamais prononcées.

Jamais il ne faut croire, ni soi-même ni personne d’autre. Il faut interroger, savoir, être, agir, penser et sentir. Croire est définitivement à bannir.

Arrêtez de croire ce que l’on vous dit. Arrêtez de croire ce qui arrange votre Ego. Arrêtez de vous croire protégés, en sécurité, non concernés.

Mettez-vous devant ce miroir et regardez. Droit dans les yeux. Qui voyez-vous?

Le parcours de Siddharta (Hermann Hesse).

C’est de cette quête spirituelle dont je voulais parler dans mes discours sur l'individu. Qu’elle soit recherchée ou imposée par la vie, elle nous enseigne sur nous-même, pour mieux apprécier et accepter le monde, et mieux se comporter avec lui. C’est la quête de l’homme meilleur. Le statut d’homme bon ne s’impose pas, il s’acquiert. C’est un parcours qui ne peut-être que solitaire, intime, individuel. Il ne s’agit pas de ne penser qu’à soi, mais de se penser soi-même avant de penser l’autre.

“Le monde nous regarde mourir sans rien faire”

Nous nous regardons tous mourir avec vous...

L’humanité... elle est morte avec les jeux du cirque, morte dans les tribunaux de l’Inquisition, morte avec les indigènes d’Amérique, morte avec les esclaves d'Afrique, morte avec le nazisme... Nous sommes morts en Irak, morts avec les Ukrainiens, les Iraniennes, les Afghanes, les Israéliens, les Palestiniens... Nous mourrons avec cette planète.

Nous errons depuis des milliers d’années aux abords des ténèbres sans les voir. Ceux qui les connaissent, comme moi, qui les ont déjà traversées, qui y ont souffert, s’y sont battus, pour l’autre, avec l’autre, à s’oublier, à oublier tout autre chose que ce lien, un lien plus fort, plus puissant que tout... ceux-là savent ce qu’est la transcendance. Quand on a connu ces ténèbres, on n'en craint plus rien. Quand on a fait face au diable, qu’on l’a repoussé pour continuer le chemin, pour tenir cette main, ne jamais la lâcher, jamais, jusqu’au bout, continuer d’avancer avec l’autre, pour l’autre, en enfer, dans le néant, sans se soucier d'en ressortir... plus rien d’autre ne compte que cette union d’âmes, éternelle.

Au bout de ce chemin au-delà duquel je ne pouvais plus aller, ma mission achevée, je me croyais seul et m'en retournais dans la brume, à l'orée des enfers, à me demander quand nous tomberions définitivement dedans. Et voilà que des millions de mains se dressent pour en réchapper, que des cris m’y rappellent. Je veux serrer ces millions de mains dans les miennes. Je ne veux pas les lâcher. Aucune menace, aucune injure, aucun jugement, aucune torture ne me fera lâcher. Vous ne comprenez pas, vraiment pas, que rien d’autre ne compte.

Rien d’autre ne compte.

N'oubliez pas de lever la tête et regardez le ciel de temps en temps. Dans la nuit la plus sombre, des milliards d'étoiles scintillent, en paix, là-haut. La nôtre, dans nos entrailles, leur répond. Elles palpitent ensemble, en communion. Ne craignez pas l'enfer. Faites face au diable. Alors toutes ces lumières, comme la vôtre, jamais ne s'éteindront.

ED

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